La Galerie des jalousies 2 by Marie-Bernadette Dupuy

La Galerie des jalousies 2 by Marie-Bernadette Dupuy

Auteur:Marie-Bernadette Dupuy [Marie-Bernadette Dupuy]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782894316962
Éditeur: Les Éditions JCL
Publié: 2016-07-06T04:00:00+00:00


12

La belle épouse

Faymoreau, puits du Couteau, mardi 1er mars 1921

Pierre Ambrozy était inquiet. Il levait vers le ciel lourd de nuages son visage aux rondeurs encore enfantines auréolé de mèches blondes. Ses yeux, d’un bleu très clair comme ceux de sa sœur Jolenta, avaient cependant une expression grave qui le vieillissait. Ses quatorze ans avaient été marqués à jamais par la tragédie de l’automne précédent, dont il était sorti vivant grâce à Thomas, mais une jambe en moins.

Pour l’adolescent, qui caressait d’un geste tendre l’encolure de Danois, son favori parmi les chevaux de la mine, le monde allait de travers. Un peu superstitieux, il se demandait si le mauvais sort ne s’acharnait pas sur sa famille et sur Faymoreau où il était arrivé à sept ans, petit Piotr ne sachant pas un mot de français.

Stanislas Ambrozy le rejoignit d’un pas lent. Il tenait par sa longe un demi-trait à la robe blanche nommé Quidam.

— Les bêtes sont contentes de se retrouver à la lumière et en plein vent, hé, fiston! lui dit son père.

— Oui, papa, mais ce n’est pas pour longtemps. Demain matin, on les descend dans le puits du Couteau. Maintenant, je regrette qu’on ait choisi Danois.

— C’est toi, Pierre, qui as choisi Danois, parce que tu étais content qu’il puisse profiter de plusieurs heures au grand air, rectifia le Polonais. Allez, viens, ils vont passer la journée au pré, même si le pré est devenu un marécage, avec ce fichu temps.

Le père et le fils avancèrent sur un chemin de terre bordé de haies. Pierre continuait à brasser des idées noires, malgré le souffle fort de Danois qui respirait avec délice les odeurs grisantes du monde d’en-haut, comme le lui répétait l’adolescent dans l’écurie du puits du Centre.

— Un jour, mon Danois, je serai assez riche pour t’acheter et tu galoperas dans la campagne, dans le monde d’en-haut, lui disait-il en le brossant.

Pierre était lucide, cependant. Il savait bien qu’il n’aurait jamais l’argent nécessaire. Le beau cheval à la robe d’un brun intense et au front orné d’une étoile blanche finirait sûrement ses jours au travail, au fond de la mine.

— Papa, est-ce que Thomas sera dans notre équipe? demanda-t-il.

— Oui, il embauche à treize heures, fiston.

Cette certitude lui mit du baume au cœur, même si Thomas, son grand ami et son beau-frère, avait perdu sa belle humeur de même que son entrain. Il essayait de donner le change, il riait et souriait, mais ses yeux vert et or trahissaient une mystérieuse détresse qui causait une pénible angoisse à Pierre. « Aussi, Jolenta n’est pas commode, pensa-t-il. Elle fait bien de la peine à papa en voulant l’empêcher de se remarier. Moi, je l’aime beaucoup, Maria. Elle est gentille et elle sent bon. »

Stanislas avait emmené son fils chez la jolie veuve dont il était épris. Ravie de pouvoir s’occuper du galibot, Maria Blanchard avait lavé et repassé des vêtements de son époux et les avait offerts à l’adolescent. Elle avait cuisiné un lapin accompagné d’une potée de choux et fait un savoureux gâteau de Savoie avec les bons œufs de ses poules.



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